mercredi 5 octobre 2016

Petits tableaux de la peur



Tableau I.
Le 10 septembre, le temps file, le temps est une flèche, tu ne te couches pas pour l'embrasser, l'épouser, pour vous enrouler tous les deux, tu ne te poses pas l'épousant, l'avalant, te déposant en lui que tu avales et poses (ceci est mon corps), non : tu te couches sur le temps-flèche, le temps-tapis, et tu voles, tu fuis, traces, tu fuis les blocs, tu fuis la cicatrice peau cousue, bouche cousue, matée, domptée, tu emportes ton petit moignon de rein, ton petit arbre intérieur, tu serres les reins, petit kangourou devenue tu empoches tes petits reins, serres les poings, et tu te tires, tu prends la poudre d'escampette. Fuis ! Tu te casses !







Bleue. On dit la peur bleue. Mais non, la peur est verte.

Alors tu te tailles. À grandes enjambées. Petit Poucet, tu enjambes les paysages, vas toucher le monde, t'assurer de l'existence du monde (« le monde est là, mon cœur ») : Naples est là, Athènes est là, les raggazzi sont là, te regardent avec l'air de se foutre de ta gueule, les chats dorment à Athènes, le lichen pend aux troncs des arbres dans la montagne au-dessus d'Ax-les-thermes, on profite de la neige, les skis crissent, tu fonces, tu grimpes dans les bus, tu montes dans les trains, tu grimpes, raquettes aux pieds, une montagne pentue, tu fonces, tu vas toucher le monde, tu mets le monde entre les blocs et toi.