dimanche 17 juin 2018

À l'approche (La trahison des bêtes, suite)





Elle était là, une boule dans l'ombre de l'arbre sur le goudron raviné par les pluies torrentielles de la veille, ombre dans l'ombre, tu la croyais boule morte, hérisson ou même oiseau roulé ramassé, le plumage ébouriffé par la brise, la fourrure gonflée par le vent, poils ou plumes. À l'approche c'était un museau, deux oreilles rondes et sombres, le menton posé entre les pattes, sur l'asphalte, le corps allongé derrière, comme reposant sur une épaule, à l'approche la boule devient bête à fourrure, belette obscure ou fouine, martre, mustélidé, à l'approche ta main s'apprête à saisir un bâton pour fouiller le pelage et pousser la bête morte dans les herbes du fossé, à l'approche les yeux soudain te fixent, le menton frotte le goudron, ta main tremble, la bête doit être blessée il faudrait peut-être l'achever pour abréger ses souffrances, à l'approche tu te crispes effectues un cercle pour contourner la bête à l'approche lentement comme hésitante à t'offrir son dos hésitante et lente à l'approche la bête se déplie et redresse sur ses quatre pattes, encore tapie et hésitante à l'approche, à l'approche comme bourrue rétive courroucée la bête trottine hérissée grise vers les herbes tu ne comprends pas pourquoi elle est si lente à ton approche titube puis trottine bossue peut-être ne pas te lâcher peut-être ne pas t'offrir son dos peut-être toujours te fixer pour bondir les longues herbes dessinent l'ombre vert sombre son sillage, grogne soupire hausse l'échine et disparaît.