Cantal, été 2010 |
« Transportée, à
moins d'une heure de Paris, en une contrée peuplée de créatures
déconcertantes autant que volubiles, Claire découvrit aussi la
forêt d'Île-de-France, limpide, docile, élégante, quadrillée
d'allées cavalières, giboyeuse quoique cernée d'habitations et
d'habitants, aménagée, arpentée, policée. Les arbres altiers,
dont les plus notoires s'enorgueillissaient d'un nom, d'un pedigree,
voire d'une légende que Véronique lui assena avec gourmandise, lui
demeurèrent étrangers. Tant de faste et de verticale munificence
heurtait ce qu'elle gardait en elle d'organique connivence avec les
hêtres et les frênes du pays premier. Elle n'eût pas su le dire et
ne le dit d'ailleurs pas ; elle posa sa main sur des écorces
diaprées, s'adossa à des troncs vénérables, embrassa de l'œil
les perspectives chatoyantes des sous-bois noyés de lumière neuve,
mais ce paysage se refusait à elle, ou elle se refusait à lui ;
il n'y aurait pas, il n'y eut pas de rencontre en dépit du généreux
truchement de Véronique qui confessait son besoin de toucher terre,
chaque fin de semaine, dans ce qu'elle appelait son pré carré, sans
soupçonner à quel point ce mot de pré avait pour Claire un sens
tout autre nourri de besognes réitérées au long cours des étés
d'enfance. »
Les Pays,
Marie-Hélène Lafon, Buchet-Chastel, 2012, pp.103-104
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