Le bus quitte la capitale et
l'on va tenter de dormir. Minuit approche, la lune resplendit. Elle
n'a pas envie de dormir, la jeune femme, alors elle engage la
conversation et te demande si l'odeur du bus ne te dérange pas. Tu
préfères ne pas y songer, ce n'est pas le moment d'être nauséeuse,
c'est la même odeur de sièges neufs qu'à l'aller, mais autant ne
plus y penser. Elle te dit avoir l'habitude désormais de ces voyages
en bus pour Limoges, ses parents y vivent, le train est devenu hors
de prix. Elle avoue ne pas comprendre la logique suivie par le
gouvernement : jouer le transport routier contre le train, alors
que la route pollue tellement plus… À la bibliothèque de
l'Arsenal, elle a suivi une conférence à propos des Quito Papers.
C'est à cause de la Charte d'Athènes qu'on a maintenant les Quito
Papers. Elle te sent un peu dans le flou. Certes, tu connais le nom
de Le Corbusier, certaines de ses réalisations mais tu ne sais rien
de plus. En anglais, pour parler de l'urbanisme, elle précise qu'on
utilise l'expression « urban planification » alors
que, pour parler de la partie réservée à l'architecture, on parle
de « urban design ». En France, on emploie la
notion d'urbanisme de façon très approximative. L'urbanisation du
Grand Paris est un domaine qui la passionne : on trouve tous les
chantiers, toutes les questions réunis sur un même territoire. La
question rurale est également présente : on oublie souvent que
l'Île-de-France renferme les sols les plus riches, les plus
fertiles ; on ne doit pas abandonner les terres agricoles au
foncier. Se posent ainsi des questions du monde rural, celles propres
à une capitale, sans compter celles du rapport d'une ville à sa
banlieue… Lors de cette conférence, on a révélé un fait
sidérant, qui concerne les grandes villes de la planète :
Londres, New-York, Paris… Dans ces villes, les logements font
l'objet d'investissements purement spéculatifs de la part de grandes
sociétés étrangères, qui préfèrent investir dans la pierre
plutôt que de laisser leur argent dans une banque. Le conférencier
a projeté la photographie d'un grand immeuble à Manhattan :
les fenêtres éclairées correspondaient à des appartements
réellement habités, mais la plupart des fenêtres avaient des
stores baissés et l'immeuble était presque entièrement noir. Ces
immeubles remplacent les comptes-titres des sociétés, jugés trop
versatiles, et les rares personnes qui habitent encore dans ces
endroits les quittent parce qu'elles ne supportent plus de vivre au
milieu de tout ce vide, dans ces immeubles autour desquels il n'y a
plus le moindre commerce, autour desquels il n'y a plus rien. Le même
phénomène existe aussi à Paris : on n'a pas forcément
conscience, quand on se promène dans Paris, que des immeubles
entiers appartiennent à des Chinois.
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